Les défis du processus électoral dans le cadre de la transition au Burkina Faso
Le Burkina Faso est un pays sahélien enclavé de l’Afrique de l’Ouest avec une superficie de 274 200 km². Il est limité au Nord et à l’Ouest par le Mali, au Sud par le Benin, le Togo et le Ghana, à l’Est par le Niger et au Sud-ouest par la Côte d’Ivoire. Il appartient à une zone climatique de type sahélien caractérisé par un déficit pluviométrique, une rigueur de la nature et un environnement fragile et à risque. Il faut noter que la saison pluvieuse rend certaines localités inaccessibles dans la période allant de juin à août, limitant ainsi les opérations de terrain à la période de septembre à mai.
Selon les données de l’indice humain de développement 2014, le pays est au 181ème rang, avec un IDH de 0.388, une espérance de vie de 56,3 années pour une population estimée à 16 934 839 habitants. La population urbaine est de 28,2%. Il faut noter l’existence de projections désagrégées de la population par l’Institut national de la statistique et de la démographie qui servent à la planification du processus électoral. Le pays connaît un taux d’accroissement démographique estimé à 2,9%. L’économie demeure peu diversifiée et fortement dépendante du secteur primaire qui contribue pour 30% à la formation du PIB et génère 80% des recettes d’exportations. L’économie burkinabé demeure tributaire des aléas climatiques et se montre vulnérables aux chocs exogènes, notamment le cours du coton, les prix de l’énergie, la fluctuation du dollar, les prix des denrées alimentaires et les catastrophes naturelles.
Le Burkina Faso est un État unitaire subdivisé en 13 régions et 45 provinces. Le système politique est fondé sur une Constitution adoptée par référendum le 11 Juin 1991 et modifiée successivement en 1997, 2000 et 2002. La Constitution promulguée le 11 juin 1991 instaure formellement un régime semi-présidentiel avec un Premier ministre responsable devant l'Assemblée Nationale qui peut être dissoute par le Président du Faso. Le Président du Faso nomme le Premier Ministre et met fin à ses fonctions.
Le pouvoir exécutif est exercé par le Président qui assume les fonctions de Chef de l'État et de chef du gouvernement à la fois. Le Président du Faso, élu au suffrage universel direct pour 5 ans, est rééligible une seule fois depuis la modification constitutionnelle opérée par l’Assemblée nationale en avril 2000. Depuis la Constitution de 1991 qui a amorcé le processus démocratique dans le pays, un premier amendement constitutionnel a été introduit en 1997 par la loi du 27 Janvier 1997 qui a abrogé l'article 37 de la Constitution limitant le nombre de mandats présidentiels à deux mandats. Un deuxième amendement constitutionnel a été introduit en 2000 avec le rétablissement de l'article 37 et la réduction de la durée du mandat présidentiel de 7 à 5 ans.
En octobre 2014, le Gouvernement a tenté une énième modification de l’article 37 qui a résulté en une insurrection populaire au bout de laquelle le Président de la République a démissionné après avoir dissolu l’Assemblée nationale et les Conseils municipaux et révoqué le Gouvernement conduisant à un vide institutionnel. Cela a donné lieu à la mise en place d’une transition de 12 mois devant se terminer par des élections présidentielles et législatives ainsi que municipales. La transition politique est régie par une charte imposant le partage du pouvoir au sein d’institutions provisoires (Présidence, Gouvernement et Conseil National de la Transition – CNT) entre les militaires et les civils. Par ailleurs, aucun des acteurs impliqués ne pourra briguer de mandat électif.
Afin de préserver la capacité de réaliser les élections prévues dans les délais convenus, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a été maintenue. Elle dispose d’une expérience et expertise en matière électorale du fait de la mise en œuvre de plusieurs cycles électoraux. La CENI administre les élections incluant la proclamation des résultats provisoires. Les résultats définitifs sont proclamés par le Conseil constitutionnel ou le Conseil d’État selon le type d’élection. Elle est composée de 15 membres disposant d’un mandat de 5 ans, renouvelable une fois : 5 sont nommés par la majorité, 5 par l’opposition et 5 par la société civile (autorités religieuses, chefferies traditionnelles, société civile). Elle dispose de démembrements, dont les Commissions électorales provinciales indépendantes (CEPI), les Commissions électorales communales indépendantes (CECI) et les Commissions électorales indépendantes d’Arrondissement (CEIA). Une représentation majorité, opposition et société civile est prévue par la loi dans ces derniers.
Les opérations électorales prévues pour clôturer la transition représentent de grands défis à la fois logistique, opérationnel et technique se traduisant par un important besoin financier. Plusieurs défis sont à relever dans le contexte actuel, notamment :
- La révision exceptionnelle des listes électorales dans un contexte où l’affluence de la population électorale demeure imprévisible. En effet, le nombre d’électeurs inscrits a varié sans suivre une tendance constante et sociologiquement lisible de manière surprenante au cours des différentes consultations électorales qui se sont succédées durant les dernières années. Cela laisse supposer que des facteurs politiques et économiques affectent la participation de la population au processus électoral. Avec les changements survenus en octobre 2014, la CENI table sur un engouement de la population et prévoit atteindre le nombre de 6,5 millions d’électeurs inscrits;
- Les changements effectués dans l’administration territoriale par le remplacement des gouverneurs, la dissolution des conseils municipaux et des révocations des agents publics qui ont par le passé contribué à l’organisation matérielle des scrutins. A cela, il faut ajouter, la présence au sein des organes de la transition de personnes sans expérience électorale. Cette situation risque de briser la synergie qui existait entre la CENI et l’administration territoriale, affectant l’organisation matérielle des scrutins;
- Des propositions de modification au cadre juridique des élections en vue de l’harmoniser d’une part avec l’actuelle transition qui est caractérisée par l’absence d’un clivage majorité-opposition et avec les délais imposés par la Constitution et la Charte de la transition sur la date de la tenue de l’élection présidentielle et la proclamation des résultats définitifs. D’autre part, la tentation de vouloir procéder à des modifications portant sur les délais des activités en vue de respecter la durée totale de 12 mois de la transition. Ces modifications qui risquent d’être faites sans prendre en considération les impacts opérationnels et techniques peuvent résulter en une augmentation des coûts et en une pression énorme sur la CENI.